Crime et utopie by Rouvillois Frederic

Crime et utopie by Rouvillois Frederic

Auteur:Rouvillois, Frederic [Rouvillois, Frederic]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Flammarion
Publié: 2016-04-03T00:00:00+00:00


Les croyances

« Il n’y a pas de solidarité, si chaque individu conserve le soin de déterminer sa croyance830 » : Mein Kampf annonçait déjà le projet d’une Gleichschaltung totalitaire des croyances – projet qui correspond du reste à la démarche classique de l’utopie.

Les cités idéales de la littérature utopique proposent en effet soit des religions spécifiques étroitement liées à l’État, soit une apparence de relativisme religieux, une forme de laïcité qui se borne à interdire fanatisme et prosélytisme : autrement dit, une abolition des croyances susceptibles de susciter des conflits, de remettre en cause l’unité fondamentale du groupe et d’apparaître comme des fidélités concurrentes à celle que réclame la cité. En outre, la perfection du système politique, qui définit proprement l’utopie, implique l’autonomie radicale de cette dernière, symbolisée depuis l’ouvrage de Thomas More par son insularité. La cité nouvelle ne dépend que d’elle-même : elle ne saurait donc être subordonnée à des puissances supérieures, qu’elles soient humaines ou divines, et il est inconcevable que l’on puisse contester ses lois en les confrontant à des normes supérieures.

Ce qui vaut en général vaut a fortiori pour le christianisme et pour l’approche qu’il propose du monde d’ici-bas comme une simple étape dénuée de valeur propre, un moyen d’accéder au salut éternel. Cette conception se heurte en effet à la vision d’une cité parfaite réalisée par le travail et la raison d’un homme nouveau, devenu sa propre fin et l’unique bénéficiaire de cette perfection. Cet espoir de construire un paradis terrestre va en outre à l’encontre des dogmes centraux du christianisme, ceux de la chute et de la rédemption. Pour le chrétien, le péché d’Adam se prolonge à l’ensemble de ses descendants et leur interdit d’accéder par leurs propres forces à la perfection, puisqu’ils sont invinciblement inclinés au mal, incapables de faire le bien : seule la grâce divine permet d’échapper, sur un plan purement individuel, aux conséquences de la chute. C’est pour cela que le Christ rédempteur s’est incarné, avant de mourir sur la croix afin de racheter les péchés des hommes. Les principes fondamentaux du christianisme sont donc incompatibles avec la logique de l’utopie.

Et tout particulièrement avec celle de l’utopie biologique national-socialiste, laquelle, remarquait René Capitant en octobre 1935, « rejette l’idée du péché originel et de la déchéance de l’humanité831 ». Comme toutes les utopies, le nazisme se rattache au pélagianisme, cette vieille hérésie selon laquelle le péché d’Adam n’aurait pas été transmis à ses descendants – ce qui signifie que l’humanité est indemne, débarrassée du poids d’une faute qu’elle n’a pas commise, qu’elle n’a pas à être « rachetée » par un rédempteur, et qu’elle est donc libre d’accéder, par ses propres moyens, à la perfection de sa nature.

De fait, ce que l’on constate chez les principales figures du national-socialisme, c’est un rapport avec le christianisme qui va du rejet catégorique et obsessionnel (Himmler, Rosenberg, Darré, Bormann832) à l’extrême méfiance et au mépris, un sentiment que Hitler n’hésitait pas à exprimer en public : « Les religions ? Toutes se valent.



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